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INTRODUCTION
 
ELOI PINO CREE DJIBOUTI
 
JOSEPH GARRIGUE PREND LA RELEVE
 
 
UN NOUVEL ASSOCIE : PAUL MARILL
 

ELOI PINO CRÉE DJIBOUTI


La capitale, Obock, comprenait alors 2000 âmes. L'année précédente, Eloi PINO, devant la difficulté d'approvisionner ses caravanes en eau potable (l'eau d'Obock était saumâtre, elle ne convenait que très mal à la boisson et aux chaudières des navires à vapeur dont elle rongeait les cuves), devant aussi le piètre mouillage que représentait ce lieu, avait décidé de faire partir ses convois de l'autre rive du golfe, à partir d'un lieu-dit nommé Ras-Djibouti où existait un hameau de quelques huttes, mais où surtout on trouvait de l'eau de bonne qualité et un meilleur abri pour les navires. De plus, la route vers le Choa à partir de ce lieu était plus directe et rejoignait rapidement celle partant de Zeylah…

La cause était entendue, le succès de Djibouti fut foudroyant. Dès mars 1888, Léonce LAGARDE obtient du gouvernement français le transfert d'une partie de l'administration vers Djibouti. En 1894, Djibouti aura entre 4 et 5000 habitants, Obock en comptera moins de 1000…

(pour en savoir plus :ce lien pointe vers un article sur la Politique et le Commerce)

Cette même année 1888, l'ami Louis Auguste BREMOND, fondateur des Factoreries Françaises d'Obock, transfère à son tour ses activités commerciales à Djibouti et s'associe à Eloi PINO. Leurs autres associés ont pour noms Jacques TARDIEU, Louis BORTOLI et Albert OLIVE, ceux-ci étant plutôt chargés de la logistique et de la commercialisation à partir de Marseille. OLIVE est le gestionnaire financier.


L’Hôtel des Arcades que fit construire Eloi Pino et dont il confia la direction à son beau-frère Joseph Garrigue en 1896


Le port de Djibouti à ses débuts…

A la fin de 1889, Eloi PINO entreprend la construction de la première maison en dur de Djibouti, bâtie en madrépore, seul matériau existant sur place. Cette pierre est relativement friable, elle va pourtant servir à la construction de tout le centre ville actuel de Djibouti. La maison existe toujours, un blason comportant les lettres E P surmonte la porte d'entrée.

La première maison en dur de Djibouti, construite par Eloi PINO en pierre de madrépore.
André Marill (chemise bleue), actuel propriétaire des lieux
Eloi n’a pas oublié d’y laisser sa marque !

De retour d'un voyage au pays, notre laurentin va mettre sur pied une grosse caravane d'armes pour Ankober, capitale du Choa et de l'Abyssinie, et pour ce faire écrit une lettre à son ami BREMOND alors à Harrar, autre ville importante du pays. Cette caravane part le 31 décembre, elle sera attaquée le 12 janvier suivant par des somalis à la solde des anglais et dégagée par les troupes de Ménélick, lequel attendait la marchandise avec impatience.

La création de la ville est en partie due à la qualité de son eau qui est bien moins saumâtre que celle d’Obock…
 …et les caravanes ont moins de chemin à parcourir pour atteindre le Choa.

La fin de l'année 1891 va voir Eloi retourner à Saint-Laurent et épouser une fille de Maureillas nommée Thérèse FOURCADE, le 21 octobre. Le couple va immédiatement repartir pour Djibouti où il arrive le 27 novembre. Un neveu d'Eloi, Alfred SANYAS, est son représentant à Ankober, son ami BREMOND dirige les caravanes et Eloi coordonne le tout. En quelques mois, ce bel équilibre va s'effondrer ! Le financier et « grand ami » OLIVE s'en va avec la caisse en mars 1892, BREMOND, le fidèle, le doyen de la colonie, meurt du choléra alors qu'il était à la tête d'une caravane le 6 juillet, Alfred SANYAS ne se remet pas d'une chute de cheval à cause de la syphilis contractée auparavant auprès des filles de Djibouti et meurt à son tour en décembre…

Chromos de l'Epoque

A cause de la mort de BREMOND et du départ d'OLIVE, il faut dissoudre la Société, ce que fait le tribunal de commerce de Marseille. Eloi rachète tout ce qu'il peut des actifs et crée une nouvelle société baptisée « Eloi Pino, Djibouti et Ankober ».

C'est sur ces entrefaites que la sœur de Thérèse FOURCADE restée à Maureillas, Joséphine, épouse un enfant de Sainte-Marie-la-Mer, Joseph GARRIGUE (Maureillas, 30 mars 1894). Très vite, Joséphine va écrire à sa sœur et lui demander s'il y a des possibilités de s'implanter à Djibouti, et Eloi va proposer à son beau-frère une sorte d'accord en deux temps : la direction de « l'Hôtel des Arcades » qu'il vient de faire construire, suivie d'une association dans les affaires commerciales si les choses se passent bien. C'est à cette époque que les derniers services de l'administration coloniale quittent Obock, et le Gouverneur LAGARDE qui jusqu'alors faisait la navette s'installe définitivement à Djibouti.

Cette période a souvent été évoquée par l’éminent historien catalan Roger GRAU, comme par exemple dans les « Etudes Roussillonnaises offertes à Pierre PONSICH » à travers un merveilleux article en catalan daté de 1987 et titré « Un document sobre l’origen del comerç franco-etiop : una lletra en català rossellonès adreçada a n’Eloi Pinó, negociant de Djibouti, 1890 », lettre commentée donc d’Honoré PINO, l’aîné de la famille, à Eloi, et aussi dans les articles de l’Indépendant de Perpignan et l’Echo Laurentin dont des extraits figurent ci-dessous. Dans ces deux derniers articles figurent la même erreur sur l’interprétation des photos appartenant toujours à la famille PINO : la présence concomitante de Paul MARILL avec Eloi PINO et Joseph GARRIGUE sur un même cliché. A l’époque où furent prises les photos, Paul MARILL avait 5 ans si l’on en croit la date figurant sur l’un des clichés (1885), ou plutôt 13 ans si l’on admet le calcul que je fais à ce propos…

Article signé Roger GRAU dans l’Indépendant de Perpignan du 24 mai 1979. L’identification des personnages de la photo est erronée : Paul Marill ne peut y figurer (soi-disant le personnage de droite, lui qui était grand et sec comme un hareng !) : il n'avait qu'une quinzaine d'années à l'époque où la photo a été prise, logiquement en 1895. Eloi PINO est à gauche, et le personnage central est plus probablement Madame PINO que Joseph GARRIGUE comme supposé, car ce dernier n'avait jamais encore quitté les PO et n'était pas encore le beau-frère ni l'associé d'Eloi.

« L’Echo Laurentin » consacre un article à l’enfant du pays en 2001
Si le « Thérésa » à bien circulé en Mer Rouge, il était commandé par François PINO, le frère d’Eloi…
Cette photo comporte une erreur de datation: Eloi s’est marié en 1891 et il est rentré définitivement à Saint-Laurent en 1898. Il faut probablement lire 1895.

La France, qui avait entre temps signé différents accords de protectorats sur différents territoires de la région, regroupe alors le tout sous le nom de « Côte Française des Somalis et dépendances » avec pour capitale Djibouti. C'est aussi à cette époque que se déroule la célèbre affaire de Fachoda qui nous amena à deux doigts d'une guerre avec le Royaume-Uni : si je cite cet épisode, c'est que l'on fit partir de Djibouti deux colonnes destinées à rejoindre et appuyer le capitaine MARCHAND (la fameuse « mission MARCHAND!) qui venait d'atteindre Fachoda dans le sud du Soudan alors dépendance égyptienne, localité située sur le Nil Blanc et convoitée par toutes les puissances coloniales en raison de ses débouchés vers l'Egypte et la Méditerranée. MARCHAND, parti 2 ans auparavant du Congo alors français, est arrivé à Fachoda le 10 juillet 1898. Le général britannique KITCHENER qui devait lui barrer la route n'arrivera que le 18 septembre et cela débouche sur un affrontement diplomatique sans précédent. Le gouvernement français va finir par céder à l'ultimatum de la perfide Albion et Marchand, la mort dans l'âme, va mettre 6 mois à gagner Djibouti.

Les deux colonnes parties de Djibouti à la rencontre de MARCHAND, disais-je, étaient dirigées l'une par le capitaine CLOCHETTE (mission officielle) et l'autre (scientifique, mais chargée d'épauler l'autre) par l'explorateur BONVALOT. Il est amusant de souligner que la maison d'Eloi PINO se trouve dans une rue qui s'est longtemps appelée « rue Clochette », et l'arrière du pâté de maisons est longé par la « rue Marchand » qui aboutit à la « place Lagarde »…