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Les MARILL dits SUNŸER

AVANT PROPOS

Durant 4 générations, toute les membres d'une branche de la grande famille MARILL furent affublés du surnom de SUNŸER, et nous avons failli ne pas en connaître la raison… et ne pas savoir non plus quel personnage était à l'origine de cette lignée.
En effet, à Maureillas, où cette famille s'est développée, les archives paroissiales présentent un " trou " de 39 années entre 1699 et 1738, et les mentions " MARILL dit SUNŸER " n'apparaissent qu'après cette dernière date, à la reprise des registres. Nous avions bien quelques soupçons sur l'origine du surnom, basés sur les parrainages à la naissance des différents protagonistes et sur la composition des alliances familiales, mais pas l'ombre d'une preuve, les actes notariaux de l'époque (à Céret, en particulier, qui était déjà le centre administratif de la région) n'ayant rien apporté de décisif.
Il a fallu que nous contactions, comme nous avons essayé de le faire systématiquement, une branche MARILL qui détenait des papiers familiaux des XVIIe et XVIIIe siècles, pour que nous trouvions la réponse à cette lancinante interrogation.

Voyons comment l'affaire s'est solutionnée...

LA PROBLEMATIQUE DE DEPART

La première mention d'un certain François MARILL dit SUNŸER (dit ou alias, ou ats, ou atjs), pagès de son état, apparaît donc en 1738 dans les registres, et cela est bien pratique pour le différencier des autres Marill car il a des homonymes dans la paroisse, l'un d'entre eux étant même aussi pagès ( = notable en terme de propriété terrienne…).

Il est évident que notre François est né depuis longtemps (on déduira une année de naissance à son décès : 1699), et on verra plus tard que son fils aîné est né vers 1732. Sa femme Elisabeth CHRISTIA à procréer, au moins jusqu'en 1746.
Qui est le père de François ? Il a fallu passer au peigne fin tous les groupes familiaux existant en 1699, pour établir simplement des possibilités, et il s'est alors avéré que François pouvait être le fils de 7 couples de MARILL vivant à Maureillas. En recherchant à la fin du XVIIe siècle, soit juste avant l'interruption des registres, mes principaux soupçons se sont d'emblée portés sur un certain Francisco Aniol, fils aîné du patriarche Antoni MARILL et de Anna SUNŸER, pour plusieurs raisons :

-sa mère est justement une SUNŸER,
-son parrain est Francisco Aniol SUNŸER, pagès de Massanet de Cabrenys, son grand-père maternel, qui n'a eu que des filles et un seul garçon qui arrivera à l'âge adulte, un certain Joseph.

Ces raisons m'ont semblé suffisantes pour rechercher la descendance de ce Francisco Aniol MARILL, qui épousa Anna CHRISTIA en 1680 à Maureillas. La déception fut à la hauteur au vu de ce que nous découvrîmes dans les actes dressés par les notaires en 1710 : Antoni le patriarche est mort en mars, son fils aîné (Francisco Aniol) héritier universel devenu pagès meurt deux mois plus tard, en mai ! Bien que marié, Francisco n'a eu qu'une fille morte en bas-âge. Les biens de la famille, passés brièvement du père au fils, reviennent à la mère, Anna SUNŸER. Celle-ci va faire procéder à un inventaire à la fois précis et précieux pour nous de l'ensemble des biens concernés par cette succession, et les transmettra ensuite au second enfant mâle, Antoni, marié à Maria SORRIBAS, qui deviendra par la même occasion pagès… Jusque là, tout est conforme aux traditions familiales, en principe un seul enfant (en principe un garçon, pratiquement toujours l'aîné) est héritier universel et, le cas échéant devient pagès.

Ci-dessous, la fratrie dont nous parlons.

Francisco non concerné, nos soupçons se sont alors portés sur le troisième garçon de la famille, et pas du tout au hasard : comme son frère aîné, sa mère est une SUNŸER, et son parrain est aussi un SUNŸER. Cette fois, le parrain est le fils du précédent, Joseph Bonaventure, et il a aussi transmis à son filleul ses 2 premiers prénoms.

Ce Joseph MARILL se mariera en 1797 avec Margarida CHRISTIA, et ils auront leur premier et seul garçon en 1699 (juste avant le " trou " des archives) qu'ils prénommeront Antoni Joseph Francisco.

Notre conviction s'est renforcée quand il s'est avéré que cet enfant devait être le fameux Francisco MARILL dit SUNŸER, au départ à la simple lecture de ses prénoms : Antoni, comme son grand-père, toujours solide au poste (c'est presque une obligation que de donner le prénom du grand-père au fils aîné…), Joseph comme son parrain et oncle. Il est logique qu'il ait donc porté usuellement son troisième prénom, Francisco.
Nous sommes restés deux ans sur ces positions, et nos recherches nous ont progressivement amené à compter prés de 200 descendants de Francisco MARILL dit SUNŸER, sans pouvoir affirmer que celui-ci était le fils de Joseph… frustrant pour des généalogistes !

Voici d'ailleurs ce que donnait notre hypothèse qui partait donc maintenant de Joseph, l'un des fils de Antoni MARILL pagès de Maureillas et d'Anna SUNŸER, en ce qui concerne uniquement les 3 générations qui ont porté le surnom :

LA SOLUTION

En juin 2003, nous avons donc eu l'opportunité de consulter un certain nombre de documents d'époque conservés par une branche de la famille. Le grand-père de nos cousins contemporains Georges, Jean-Pierre, Henri-Paul, Hervé et Roland, s'appelait Joseph MARILL et il fut Maire de Maureillas au début du XXe siècle, c'est lui qui a prescrit à ses descendants de conserver ces documents et de les compléter au fur et à mesure.

Un carnet d'une soixantaine de pages,avec une couverture cousue en ce qui semble être de la peau de porc,rempli de diverses écritures, écrit à 90% en catalan, s'est avéré être un carnet de " reçus " dans lequel les dates s'échelonnent entre 1722 et 1787. Les différents récipiendaires indiquent dans près d'une centaine de rubriques ce qu'ils ont reçus de… plusieurs MARILL !

Dès les 3 premières pages, la preuve recherchée allait tomber :

- le premier reçu, de 1722, est signé à Joseph MARILL alias SUNŸER…( tiens, tiens…chronologiquement, c'est la première fois qu'on voit apparaître cette mention pour un MARILL, et qui plus est à un Joseph !)

ci-dessous, la page 1, cliquez pour agrandir


- le second reçu est fait à Francisco MARILL alias SUNŸER, en 1723, un an plus tard, en bas de la même page…

- en page 3, le reçu est fait à Joseph et Francisco MARILL, père et fils : ça y est, nous y sommes, les MARILL-SUNŸER partent bien de Joseph et se poursuivent bien par François !!!

ci-dessous page 2 et 3, cliquez pour agrandir

Admirez ci-après la couverture, la première page et les pages 2/3 de ce précieux document : non seulement ces écrits ont près de 300 ans, mais il faut considérer que ce carnet a été transporté pendant 65 ans par Joseph (né en 1671, mort après 1642), son fils François (1699-1782), son petit-fils François (1732-1788), son arrière-petit fils François (~1753-1825). Cela est extrêmement émouvant quand il s'agit de simples parents, dans mon cas ce sont mes ancêtres directs…

Hormis les premiers reçus signés par des ecclésiastiques pour dire des messes pour le repos de certaines âmes, la très grande majorité de ces reçus consacre une coutume censitaire (c'est un impôt !) que les MARILL de cette branche payaient aux Seigneurs de Maureillas. Ceux-ci furent longtemps des membres de la vénérable famille d'OMS, mais à l'approche de la Révolution, d'autres nobles, sûrement apparentés aux précedents, s'y substituèrent.

- Et devinez en quoi consistait cet impôt annuel ?
-" una gallina de sensos " !
- Oui, vous avez bien lu !
- une poule annuelle !

Notre aïeul Joseph MARILL, bien que troisième enfant d'un riche paysan, avait pu grâce à son oncle maternel (et parrain) hériter de biens outre-Pyrénées, et devenir comme ses frères un pagès, c'est à dire un notable fortuné, tout en restant au pays (Maureillas était en France depuis 1659, année du Traité des Pyrénées, mais aussi année du mariage de ses parents Antoni et Anna…).

Reste à savoir si c'est lui qui a commencé dans la famille à donner une poule aux Seigneurs du lieu chaque année, où si cet impôt existait déjà auparavant. Ceci est une autre histoire, peut-être arriverons nous à le savoir ...

HISTOIRE DE POULE, SUITE ...

Vous vous souvenez peut-être, pour ceux et celles d'entre vous qui suivaient déjà nos recherches au mois de juin dernier, que nous avions réussi à travers un carnet de reçus manuscrit (reçus étalés entre 1722 et 1789) à démontrer l'origine et la filiation des "MARILL dits SUNYER"...

Vous vous souvenez peut-être aussi que ces reçus, signés par les représentants de la noble famille d'Oms chaque année à l'époque de Noël au profit:
- d'abord de Joseph MARILL, pagès de Maureillas,
- ensuite de son fils François,
- puis de François le fils de ce dernier,
- enfin de l'arrière-petit-fils du premier, encore un François ,
concernaient la remise en grande pompe "d'una gallina de sensos", c'est à dire d'un impôt consistant en la remise d'une poule annuelle...

Dans le document ci-dessous, vous allez voir que deux siècles plus tôt, les propriétaires terriens de Las Illas versaient assidûment chaque année le même présent au seigneur du lieu Pierre de Darnius. (Cliquez sur chaque feuille pour l'agrandir)

La modicité de la redevance s'explique par le fait que les dits seigneurs qui n'étaient pas à proprement parler "propriétaires" de ces terres exercaient ainsi leur suzeraineté sur les "propriétaires-exploitants" que l'on appelle là-bas "pagès"... et il est symptomatique de remarquer que le carnet des MARILL-SUNYER s'arrête exactement en 1789 !

Ce document est extrait de "Monographie et Notes d'Histoire sur Las Illas" par Bonaventure GUISSET, instituteur (1902).